Paris a Rungis. Marseille a le Marché d’Intérêt National des Arnavaux – Marché Marseille Méditerranée. Immersion dans ce monde de la nuit pas comme les autres grâce à la visite de l’Office de Tourisme de Marseille.
4h du matin. Quelques fois, c’est l’heure où je rentre me coucher après une soirée. D’autres fois, c’est l’heure où je me réveille pour aller prendre le premier train ou premier avion. Cette fois, le réveil sonne pour découvrir un monde de la nuit peu connu du grand public. Un lieu où à 8h, la vie s’éteint. Peu rentrent dormir, pour beaucoup d’autres, la journée à rallonge ne fait que commencer. Bienvenue au cœur de celui que l’on surnomme « le ventre de Marseille« , le MIN des Arnavaux.
Le MIN des Arnavaux, 50 ans de produits frais
Au sortir de la guerre, le gouvernement de l’époque ne veut plus de marché noir et de tickets de rationnement. La volonté d’état est de structurer la filière, de créer des circuits de distribution. Les marchés d’intérêt nationaux naissent ainsi. Celui de Rungis est le premier à sortir de terre, vient ensuite celui de Marseille en 1972. Il fête ses 50 ans cette année ! Avant sa création, les fruits et légumes sont vendus au Cours Julien, là où prend place le marché paysan du mercredi. Seulement, cela implique de se rendre en centre-ville pour s’approvisionner. Pour le poisson, il y a la célèbre Criée sur le Vieux-Port (désormais, le marché est celui de Saumaty). On compte encore 19 MIN en France dont ceux de Châteaurenard, Cavaillon, Avignon et également Hyères et Nice, plus connus pour la fleur, dans le Sud-Est.
Avec 32% de surface agricole, la Métropole Aix-Marseille est riche en producteurs locaux. Mais 80% de la production agricole part à l’export. Au MIN, un espace leur est dédié. C’est le carreaux des producteurs. Au gros de la saison, ils peuvent être jusqu’à 300. C’est la plus grosse concentration de producteurs de France. Ici, 90% des producteurs sont maraîchers. La plupart sont de gros exploitants locaux mais parmi eux, on trouve par exemple la famille Garnerone, « le dernier paysan de Marseille » qui cultive le mesclun marseillais à 2 pas du MIN.
En face du carreau des producteurs, on trouve les grossistes. Ici, c’est un voyage des sens. Les couleurs des produits classiques, exotiques ou rares sont éclatantes, les odeurs se mêlent.
Parmi eux, Sami. Avec son bagout, sa bonne humeur et sa sensibilité au bien manger, il s’est fait une place ici. Au MIN depuis 2011, il a été manutentionnaire, commercial, directeur commercial jusqu’à créer avec sa femme en 2018 Primavera Frutta. Ultra soucieux du critère gustatif, il fait en sorte de trouver des produits d’excellence pour les chefs marseillais, de la Côte d’Azur et quelques primeurs. Ses spécialités : les fruits français des beaux jours comme les fraises et cerises; et les grenades et oranges maltaises de Tunisie en automne/hiver.
Plus exotique encore, c’est aussi ici que l’on fait murir les bananes que l’on trouve chez nos primeurs. Chez le grossiste Murissol, les bananes arrivent vertes, dans un plastique fermé, depuis la Côte d’Ivoire pour qu’elles restent intactes durant le transport. Une fois à bon port, le procédé de mûrissement prend 5 à 6 jours avant qu’elles terminent sur nos étals. Même si on retrouve sans peine des bananes toute l’année, la pleine saison est de mars à mai.
Depuis peu, parmi les fruits et légumes et les spécialités exotiques, on trouve un fromager : Marseille Fromages par Jean Tarpanian. La famille Tarpanian est connue du MIN pour avoir été négociant en fruits et légumes. Si le nom vous dit quelque chose, c’est aussi car le cousin de Jean, Jean-Jacques, est le directeur de la marque de yaourts aubagnais La Fermière. Chez Marseille Fromages, on trouve naturellement quelques produits laitiers la Fermière mais aussi des centaines de références de fromages fermiers, AOP, de fabrication artisanale destinées aux fromagers et primeurs.
L’autre monde de la nuit marseillaise
Pour les producteurs, la journée est déjà bien entamée à 4h. Ils sont là depuis 1 ou 2h, certains viennent de l’autre bout du département.
Les points de restauration du MIN sont complets. Le petit snack a des allures de bar-tabac qui bat son plein comme s’il était 20h. Au menu de ce matin de novembre : tartiflette. Vu la vie nocturne déjà entamée par les clients, aucun mal pour l’engloutir à cette heure.
Un peu plus tard, vers 7h, c’est la Gratinée, restaurant emblématique depuis 50 ans qui attire. Spécialités corses comme les beignets ou omelette au brocciu, tête de veau sauce gribiche ou boeuf bourguignon… De quoi se rassasier après une longue nuit de travail, ou après un RDV client pour les clients du MIN.
Si la vie semble assez animée au MIN des Arnavaux, ça n’a pas toujours été le cas en 50 ans d’existence. Il y a 25 ans, on l’appelait « la belle endormie« . L’enjeu d’aujourd’hui est de revoir toute la conception qui a été faite dans les années 60 pour l’adapter aux besoins logistiques d’aujourd’hui.
Le projet du dernier kilomètre
Pour se moderniser, répondre aux enjeux écologiques et économiques, le MIN des Arnavaux planche sur le projet du dernier kilomètre entre le marché et le centre-ville pour être le plus décarboné possible. Le MIN produit autant de déchets qu’une ville de 25 000 habitants, la quantité de frigos sur place consomme énormément. La transition énergétique et la revalorisation des déchets est alors une problématiques majeure. Le but est de créer des métiers liés à la transformation. L’entreprise marseillaise La compagnie des bocaux en fait par exemple partie. Un travail est également fait avec un carburateur pour que les entreprises agro passent de l’idée à la concrétisation. Parmi les autres ambitions : un hôtel, devenir la plus grande ferme de panneaux photovoltaïques de France, d’avoir des bornes électriques et à hydrogène pour les véhicules allant en ville…
Toutefois, des projets sont déjà bien concrets au MIN avec deux associations qui redonnent les produits non vendables mais consommables à d’autres associations, et une autre qui travaille avec la Banque Alimentaire. L’axe social avec de l’insertion, de la création d’emplois locaux durables fait partie des ambitions. De beaux espoirs pour une alimentation plus durable et des circuits courts vertueux dans la Métropole Aix-Marseille !
Marché Marseille Méditerranée (MIN des Arnavaux)
Avenue du Marché National 13004 Marseille
Visites pour le grand public avec l’office de tourisme de Marseille
