En 2007, le groupe AaRON débarque dans le paysage musical français et en émeut plus d’un (dont nous !) avec les notes mélancoliques de « U-Turn (Lili)« , BO du film « Je vais bien, ne t’en fais pas« . Le charme du duo opère totalement à la sortie de leur premier album dont on ne comptera aucune fausse note. La barre est des plus hautes.
Presque 10 ans et deux albums plus tard, Simon Buret et Olivier Coursier reviennent sur le devant de la scène en divulguant quelques notes, quelques images, puis un clip; rendant l’attente de leur nouvel album presque insoutenable. Dès sa sortie, We Cut The Night se retrouve en haut des charts.
Le 17 octobre dernier, le groupe nous présentait son nouveau live sous le chapiteau de la Fiesta des Suds. Avant de vous parler du concert, rencontre avec les deux artistes.

Rencontre avec AaRON

Deux heures avant le concert, le groupe nous accorde une interview lors d’un point presse. 
On a parlé musique, forcément, mais aussi mode et bonheur. Retour sur cette rencontre aux réponses aussi poétiques que chacun de leurs titres. 

Sur ce nouvel album We Cut The Night, on ressent votre univers musical mais on a vraiment l’impression que vous vous êtes réinventés, comment s’est passé tout ce processus ?

Simon & Olivier : Je crois qu’on aime bien recommencer de zéro à chaque fois. On n’a que 3 albums mais ce qui nous intéresse, c’est aller vers l’inconnu. Sinon, c’est beaucoup moins excitant. C’est notre ligne directrice.
En plus, comme on a beaucoup de chance, les albums qu’on a proposés, on les a étirés, écartelés, vécus jusqu’au bout, à chaque fois, dans chaque tournée. Donc une fois que le chapitre s’arrête, on crée vraiment un nouvel album. C’est pour ça qu’on prend du temps entre chacun d’eux. On n’aime pas cette idée de succès. Il ne faut pas surfer sur un truc, essayer de maintenir une notoriété. On veut attendre d’avoir de nouvelles choses à dire.

Quand écouter votre album ?

Simon : On ne veut surtout pas guider l’auditeur. C’est toi qui colore ton RDV avec la musique selon qui tu es, selon ton passé, ton humeur, ton expérience de la vie, de la journée. C’est valable pour toutes formes d’art. On ne veut pas écraser un sentiment, l’important c’est que ça déclenche une sensation. Chacun a une appréciation différente. L’un va dire que j’ai envie de danser, l’autre de pleurer, de courir… C’est ça qui est intéressant pour nous. On ne veut pas se retrouver commandant d’un sentiment. Du moment que le son t’enveloppe, après faut se laisser porter par ce que tu as envie de vivre.

Vous revenez après 5 ans d’absence, que s’est-il passé durant ces années ?

Olivier : Pour vous c’est 5 ans d’absence entre 2 albums. Mais nous, on était en tournée pendant quasiment 2 ans donc il s’est passé 3 ans. On a pris 2 années pour reprendre en main une autre partie de notre vie c’est-à-dire : les amis, la famille, le voyage ; se recharger de choses. Parce que comme disait Simon tout à l’heure, AaRON c’est génial mais ça peut prendre beaucoup de place donc c’est bien de retrouver sa vie à côté, l’inspiration. On avait besoin de ça. Après, on a mis un an pour faire l’album.

Comment travaillez-vous tous les 2 ?

Olivier : C’est le rebond. Ca va être Simon qui va arriver avec un bout de texte, voire un texte en entier, moi ça va me donner une idée ainsi de suite. On continue comme ça.
Ou alors, ça va partir d’un piano et ça va tout de suite donner une idée à Simon…

Simon : En fait, quand on recommence à travailler, on a tout en tête, après c’est du ping-pong.
On est tous les 2 dans le studio. Ce qui est sûr c’est qu’il y a personne d’autre qui rentre et qu’on est dans notre petit monde. Ça permet de ne pas se mettre de pression, de ne pas réfléchir à ce qui va se passer plus tard. Parce que c’est complètement fou, ce qui peut nous arriver parfois. 


« Et c’est vrai que si tu te trouves là dedans à trop réfléchir, ça peut polluer la création.« 



Le fait d’être deux, ça protège aussi et ça permet de se pousser l’un, l’autre avec toute la bienveillance qu’il faut pour ne pas se juger, pour aller chercher des choses, quitte à se planter. Recommencer, ne pas avoir peur d’essayer. Moi je suis vraiment dans ce principe dans la vie en général : faire les choses et si tu te plantes, au moins, tu as essayé.
Musicalement, on cherche un squelette, une vraie mélodie qui va tenir en piano-voix ou en guitare-voix. Tout ce qui nous intéresse, c’est de créer une sensation chez l’auditeur. 

Vous avez aussi fait le buzz avec votre clip qui est sorti avec John Malkovitch. Comment s’est faite cette collaboration ?

Simon : On cherchait une façon différente de présenter l’album, on aurait pu revenir par un chemin classique…on voulait faire comme une préface. Et puis John Malkovitch était la personne parfaite.Il y a eu cette volonté de montrer dans le clip de « Blouson noir » l’idée que, si tu changes de point de vue, la beauté des choses tu peux la saisir, et parfois tu passes à côté. C’est une chanson ultra urbaine qui raconte l’emprise de l’hyperville sur quelqu’un, qui lui fait de perdre un peu ses repères. On a essayé de mélanger tout ça avec le son enveloppant.

Blouson noir c’est une métaphore du costume de l’intime que chacun porte avec soi. Dans le clip, on a essayé de faire ça. John incarnait très bien cette idée de préface, comme on donne une préface à un livre, où à quelques lignes qui amènent vers un nouveau chapitre.

Vous avez joué au printemps de Bourges et vous avez décidé non pas de jouer sous le nom d’AaRON mais sous le nom de « Blouson noir ». Pourquoi ce choix de passer anonymes ?

Simon : L’idée était de présenter la musique avant tout. On voulait pas avoir le label AaRON tout de suite. C’était important pour nous de revenir au printemps de Bourges par la musique. De mettre la musique avant les gens qui la portent. 

« Je trouve qu’aujourd’hui, on met beaucoup le contenant avant le contenu.« 

Ce qui était drôle, c’est que du coup, on a reçu des coups de fils pour signer en tant que groupe « Blouson noir ».

EMB : L’or est très présent chez vous, que ce soit sur la pochette du dernier album, dans les titres de vos musiques ; que représente-t-il pour vous ?

Simon : Sur la pochette, l’or c’est une couverture de survie. La symbolique nous intéressait parce que pour cette pochette on avait 2 idées : le Passe-muraille qui est un livre (ndrl livre de Marcel Aymé) dont la symbolique est assez forte car la nuit les personnes peuvent passer les murs. Dans la métaphore, il y a un peu cette idée là ; quand tu proposes des chansons ou une œuvre en général tu ramènes ce que tu veux de ta nuit, tu passes ton propre mur et tu le donnes aux autres.

« Et la couverture de survie, c’est un truc qui m’a toujours fasciné. Le fait que ce soit cette couleur dorée, que ce soit cette pulsion de vie qu’on essaie de sauver…«  

Quand tu vois des reportages en pleine mer ou en haute montagne, les gens qu’on sauve sont tous recouverts de cette couverture en or. Il y a cette pépite à garder comme si la pulsion de vie était nécessaire.
On a travaillé avec un collectif, qui s’appelle « Akatre », qui a proposé de poser la couverture de survie sur nos visages et sur nos mains et de la transformer en pépite. Cette métaphore là, elle était assez belle et plutôt cohérente par rapport à tout ce qu’on racontait vu que cet album porte cette pulsion de vie, de renaissance et de lâcher prise.

EMB : Que serait le Mode Bonheur d’AaRON ?

Simon : Le mode bonheur ? Je ne sais pas… L’idée, c’est de vivre. L’important ce n’est pas ce que tu traverses, mais c’est ce que tu en fais.

« Tout le monde a des grands malheurs, des grands bonheurs, des grandes détresses, des angoisses, des euphories… On vit tous les mêmes choses. L’important, c’est ce que tu en fais.« 

Donc le bonheur, à mon avis, c’est d’être capable de transcender tout ça et d’en faire quelque chose. Le pire qui peut arriver aux gens, c’est quand ils n’ont pas de mots. L’art en général, le cinéma, la musique, la littérature, c’est fait pour ça, pour mettre des mots pour les autres.

Olivier : Je pense aussi que c’est savoir apprécier, même les petites choses, qui t’arrivent chaque jour. C’est important, parfois on passe à côté.

EMB : Par rapport à l’art, la mode est une sorte d’art, votre musique a été utilisée pour le défilé d’Alexis Mabille. Est-ce que vous considérez votre musique comme de la haute couture ? Tout est très esthétique chez vous…

Simon : Pas loin, oui. Je pense que tout est très important, les silences comme les déliés. Si tu considères que la haute couture c’est des heures et des heures pour faire des robes alors oui c’est vrai. On aime bien qu’il y ait plusieurs couches de lecture, on aime bien que le son soit très enveloppant donc oui en soi c’est très précieux pour nous de balancer telle note là, tel truc là, tel son là, telle machine là. Le propos c’est la puissance générale, ce qui va s’en dégager.

AaRON, le live

Je me souviens de ce samedi 8 décembre 2007 à l’Espace Julien à Marseille. L’excitation se mêlait à l’appréhension d’être déçue par leur live, par peur que ce soit trop monotone. J’ai eu tord de douter. Malgré un premier album des plus mélancoliques, sur scène, la magie opèrait et le public se dandinait volontiers. 
Cette fois, l’album est plus électrique, plus dansant par nature. Moins mélancolique aussi. Plus lumineux. Pourtant, je n’ai pas pu retenir quelques larmes. Non pas parce que c’était triste, mais parce que c’était beau et tellement bon de les retrouver.
Pour cette nouvelle tournée, le jeu scénique est totalement nouveau, que ce soit les musiciens comme les lumières. 
Les quelques anciens morceaux joués sont remis à ce que sont Simon et Olivier aujourd’hui. Comme si ces titres étaient des matières qu’ils peuvent sculpter. On regrettera seulement une version trop modernisée de U-Turn (Lili), qu’on aurait aimé retrouver intacte.

Si Simon et Olivier déclarent en interview qu’ils attendent d’être saisis par la musique, avec leur concert, le public marseillais s’est senti vivant , transporté. En témoignent les cris, les mains levées, les sourires, les portables allumés en guise de briquets pour accompagner Lili…

Entre ombre et lumière, Simon et Olivier ont une nouvelle fois su nous transporter et dévoiler la pépite d’or qu’est leur nouvel album. On ne peut que vivement vous encourager d’aller les voir à Paris le 25 novembre mais aussi dans toute la France.
Bon concert ! 
Julie

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