Il n’y a pas qu’à Cavaillon que l’on fait pousser du melon en Provence. J’ai passé une journée avec la famille Rousset, maraîchers de père en fils, à Lançon-de-Provence. Entre récolte des premiers melons du Sud de la France et  marché de Saint-Etienne-du-Grès, lieu de rencontre entre primeurs et producteurs; immersion dans les coulisses du circuit court.

A Lançon-de-Provence, Alain et son fils Robin cultivent salades et melons. Leur particularité ? Ce sont les premiers à vendre des melons en Provence. En ce 23 avril 2021, la récolte a commencé depuis une semaine. C’est la période habituelle pour leurs melons sous serres chauffées à basse température via des tuyaux d’eau chaude. Le système ne se déclenche qu’en dessous d’une certaine température. Par chance, la localisation en Provence fait que les serres ont rapidement et régulièrement une bonne température. En parlant de localisation, sur la route pour venir chez les Rousset, il n’y a quasi que des producteurs (parmi eux, le vignoble Château Virant, bien réputé dans le coin). Situé face aux vallons et à deux pas de l’étang de Berre, il peut faire très chaud mais il y a également beaucoup de vent. Cette plaine agricole était autrefois connue pour la culture de la tomate.

« Etre paysan, c’est savoir cultiver ses légumes, faire des RH, de la psychologie, du commercial, de la communication…« 

A 9h30, il fait déjà bien chaud dans les serres. La récolte est presque terminée. Robin revient du marché de Châteaurenard où il s’est rendu à 4h du matin. Ses journées sont majoritairement réparties entre le téléphone et le camion. S’il n’est pas en livraison, il est au téléphone pour prendre les commandes. Ce matin-là, ça n’arrête pas de sonner. Il sait déjà qu’il vendra toute sa récolte cet après-midi au marché de Saint-Etienne-du-Grès.

Robin ne se dirigeait pas vers l’agriculture lorsqu’il a commencé ses études. Il étudiait l’urbanisme. Mais il a finalement succombé à l’appel de la terre et l’envie de co-construire cette affaire familiale. La partie commerciale est celle qui l’intéresse le plus. Il fidélise sa clientèle de professionnels, il teste des choses. C’est par exemple assez récent qu’il aille au marché de Saint-Etienne-du-Grès (à côté des Baux-de-Provence), là où les primeurs achètent aux producteurs. Il a aussi eu l’idée de proposer les melons abimés au zoo de la Barben. Il a d’ailleurs reçu la photo d’hippopotames en train de manger les melons Rousset.

En haute saison du melon ou des salades, il aide au maraîchage. Cette partie, c’est plutôt celle son père, même si globalement, tous les deux sont touche à tout. Pour les aider dans les serres, ils ont une dizaine d’employés réguliers.

Reconnaître un bon melon

Les plantations des melons se font en décalé pour en avoir de fin avril à la fin de l’été. Dans les serres où les plants précoces sont en fleurs, on met des ruches à bourdons pour la pollinisation. Lorsque le printemps est bien là, que les insectes sont à nouveau de sortie, les serres sont régulièrement ouvertes. Cela permet aux abeilles, entre autres, de faire le travail naturellement.
Une fois que le fruit a grandi, vient la récolte. Elle se fait forcément à la main. Sandra, ancienne coiffeuse, est arrivée du Portugal il y a 15 ans. Elle a commencé à travailler chez la famille Rousset avec son mari. Ils n’en sont plus partis ! Elle ne retournerait dans un bureau ou un salon de coiffure pour rien au monde. A la place, elle ausculte les serres, de long en large, bâton à la main pour écarter les feuilles des plants. Quand je lui demande comment elle fait pour reconnaître si le fruit est à point, elle me répond avec son sourire et son accent portugais : « j’ai l’habitude depuis 15 ans !« . En effet, elle a l’œil pour reconnaître la bonne couleur et la bonne écriture (le brodage sur le melon). Autre indice, on regarde la queue du melon qui doit se détacher légèrement à la source. Puis il y a évidemment les traces de sucre que l’on aime tous bien repérer chez le primeur pour être sûr qu’on a dégotté le meilleur !

Du champ aux primeurs

Devant chaque serre où la récolte est possible, les seaux sont empilés. En cette période, peu de serres sont au stade de récolte. Il y en a quelques-unes pour pouvoir se démarquer en ayant les premiers melons mais toutes les autres sont à des stades de maturité différente pour pouvoir tenir jusqu’à la fin de l’été et surtout limiter les serres chauffées.
Robin passe avec le tracteur pour rassembler les seaux puis direction le hangar de son grand-père à quelques mètres des champs. Pour prêter main forte, son oncle est également de la partie. Ici, c’est calibrage et étiquetage. Les melons sont mis en caisse selon leur taille puis étiquetés. Que ce soit en empilant les seaux avant de venir au hangar ou en superposant les caisses, tout est fait pour que les melons subissent le moins de coups possibles afin de ne pas les abimer prématurément.

 

Ensuite, le moment ressemble à une partie de bataille navale. Robin a préalablement noté sur son tableau toutes les commandes du jour et organise les livraisons de l’après-midi. 3 caisses pour la D9, une pour la J23… Je comprends mieux une fois que nous arrivons à Saint-Etienne-du-Grès. Dans ce marché en plein air réservé aux professionnels, les producteurs ont leur emplacement d’un côté, les primeurs de l’autre. A 16h, la sonnerie retentit et les primeurs courent (vraiment!) pour avoir les produits qu’ils souhaitent et connaître voire négocier les prix. Aujourd’hui, pas d’enjeu pour Robin. Avec tous les appels qu’il a eu ce matin,  il a déjà tout vendu avant d’arriver. La météo va être bonne ce week-end. Les primeurs prennent le pari que ces premiers melons provençaux de l’année  vont donner envie à leur clientèle. Néanmoins, les quelques cagettes qu’il a devant son camion attirent : « ce sont les premiers melons ? Qu’ils sentent bons !« .

16h30, la bataille navale éclate. Les producteurs passent de l’autre côté pour livrer leurs clients. « D9 », « J23 », c’était en fait le numéro d’emplacement de ceux qui l’avaient appelé le matin. Ca court partout avec cagettes sur transpalettes et camionnettes qui démarrent et traversent le parking/marché. C’est le grand moment d’adrénaline (et de sport, car c’est immense !).
Quand on se rend chez notre primeur, on ne s’imagine pas de ce qui se joue juste avant. Ni à quel point certains produits sont tout juste récoltés (même pas 5h avant le marché) et en circuit court (à un peu plus de 45mn en voiture). Toutefois, attention aux étiquettes, surtout chez les primeurs qui ont de tout, tout le temps. Dès que l’origine est de « France » ou mieux de  « Provence » si vous y habitez, quel que soit le produit, ça sera ok. Si ce n’est pas officiellement la saison, c’est qu’il pousse sous serre.
En ce qui concerne les melons, même si ceux de Cavaillon sont très connus, c’est en fait en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie qu’on en produit le plus. Mais un melon d’origine France peut venir des Antilles et aura parcouru des heures en avion et subi des différences de températures. On est loin de nos 5h qui séparent la récolte des melons Rousset de la vente au primeur et le fait de faire attention à ce que les melons ne s’entrechoquent pas durant le petit transport… De même, si le nom est français, creusez quand même. Certaines marques espagnoles ont un nom en français. Pour les melons de Robin et son père, ce sera l’étiquette bleue « Rousset le melon de Provence » ou la rouge « 13680 melon de Provence« .
Maintenant que vous savez tout sur la production de melons de Provence, à vous de trouver les étiquettes chez les primeurs pour les déguster ! Vous pouvez en retrouver à Marseille mais aussi à Paris. Pour savoir où, contactez Robin sur Instagram. Ca sent l’été pour nos papilles…

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